Appréhender l’approche de la famille et le rôle éducatif des centres sociaux, partager des expériences d’alliances avec des familles, s’interroger sur la posture du centre social dans son territoire autour de l’accompagnement à la parentalité, etc : la première journée du colloque a permis de mettre au travail ces différents enjeux, de mettre en lumière l’approche singulière des centres sociaux. Et in fine, construire du commun dans notre diversité.
En ce lundi 23 septembre, l’ambiance est festive au centre social Projet, à Lille. Dans un coin de la grande salle polyvalente – d’où s’échappe de la musique électro – , de grands thermos de café et de thé sont disposés. Référent·es familles, directeur·ices de centre, habitant.es – venant d’un peu partout en France – se retrouvent pour commencer à faire connaissance. De l’autre côté de la salle, c’est le moment de s’inscrire aux divers ateliers proposés, qui tous ont pour fil conducteur d’interroger la thématique de la famille au sein des centres sociaux, et ce dans sa très grande diversité, avec bien entendu une attention toute particulière portée aux évolutions sociétales.
Accompagner et soutenir toute la famille, toutes les familles
Mais avant de s’atteler aux ateliers, un petit mot d’ouverture est de mise, pour réaffirmer les grandes intentions de cette journée. En effet, l’approche familles est au cœur du projet et de l’action des centres sociaux. C’est un élément constitutif de notre ADN, rarement mis en réflexion au plan national. Jusqu’à aujourd’hui ! Cette journée est donc née de la volonté de porter un regard précis et fin sur la manière dont nous construisons, collectivement, à différents niveaux et en relation étroite avec les familles, des réponses concrètes pour lutter contre les inégalités et travailler l’accompagnement de toutes les familles. Comment ces approches évoluent-elles dans la société actuelle ? Quel est le rôle spécifique des centres sociaux pour lutter, en alliance avec les familles, contre les inégalités sociales, éducatives et territoriales ? Quelle articulation construire avec les politiques publiques dédiées à la famille ? Autant de questions soulevées tout au long du colloque. Avec également, une attention toute particulière portée à la mise en lien avec les politiques publiques de la Branche Famille, ainsi que le projet de réseau 2024-2032. Pour que les familles trouvent et prennent leur place, tout en réduisant les inégalités éducatives.
Cette journée est donc née de la volonté de porter un regard précis et fin sur la manière dont nous construisons, collectivement, à différents niveaux et en relation étroite avec les familles, des réponses concrètes pour lutter contre les inégalités et travailler l’accompagnement de toutes les familles.

Bourses aux projets : partager et s’inspirer !
La force d’un réseau, c’est aussi de pouvoir « piquer » les idées des voisin·es, ou du moins, s’en inspirer ! Pour cela, la journée débute par une bourse aux projets, permettant ainsi aux centres sociaux de venir présenter leurs projets ou initiatives en lien avec la thématique du jour. A l’affiche, des jeux – comme par exemple « La Grande Traversée », dont le but est d’appréhender de manière ludique les différentes étapes et les questions que peuvent se poser les parents tout au long du parcours scolaire de leurs enfants – mais aussi un stand consacré aux centres sociaux connectés, qui a pour volonté de « faire de chaque centre social un lieu de ressources numériques pour tous ! ». Car comme le souligne très justement Viviane et Christian, deux participant·es à des ateliers numériques, « Si on n’est plus dans le numérique et si on n’a pas l’outil, on devient isolé ».
Découvrir, partager, échanger : c’est parti pour les premiers ateliers de la journée !
De petits groupes se forment et chacun·e prend sa place : la deuxième partie de la matinée est pensée pour pouvoir aborder concrètement certains sujets et de manière plus conviviale. A l’étage, on évoque la question de l’accès à la culture et aux loisirs, avec en ligne de mire, comment ces deux éléments peuvent développer l’expression des parents et in fine, le pouvoir d’agir. Elsa Perrot, référente famille du centre socioculturel du Mellois, déclare avec audace et une once de provocation au sujet d’un projet culturel mené avec des habitant⸱es « Et si on arrêtait de prendre les gens pour des cons ? ». Elle relate sa surprise de constater que, face à un spectacle de théâtre aux thématiques et à la mise en scène assez sombre et un tantinet anxiogène, les spectateur·ices qui se sont inscrit·es via le centre social ont particulièrement apprécié. De l’autre côté du couloir, on aborde l’université populaire de parents, qui a pour but de construire une démarche permettant de bâtir avec les parents des réponses à des enjeux de société. Cette dernière, portée par le Centre social de Marck en Calaisis (62) sur la thématique « Le handicap, un problème de société » a permis à un groupe de parents – accompagné d’un chercheur – de s’exprimer, de porter une recherche collective et donc de renforcer leur pouvoir d’agir. En descendant les escaliers du centre social – et en suivant les panneaux rédigés et dessinés par des enfants nous souhaitant la bienvenue en plusieurs langues – nous nous immergeons dans la thématique de la « famille élargie » et de la question de l’accueil des grands-parents et des beaux-parents.
La plupart des familles que je côtoie dans le centre social sont très isolées. Et notre vraie plus-value, c’est que nous sommes reconnus comme un réel lieu d’accueil inconditionnel.

Quelles sont les pratiques ? Quelles sont les difficultés ? Quels effets cela provoque-t-il ? Voici les questions auxquelles l’atelier tente de répondre. Avec un constat plus que positif : les centres sociaux sont très inventifs pour toujours mieux intégrer les grands-parents, qui eux sont en demande de lien social. Dans la grande salle, on potasse sur la question de la petite enfance et sur la manière d’apporter des réponses diversifiées aux besoins des familles et des territoires. Carole de l’Espace 19, intervenante de l’atelier déclare « La plupart des familles que je côtoie dans le centre social sont très isolées. Et notre vraie plus-value, c’est que nous sommes reconnus comme un réel lieu d’accueil inconditionnel ». Car en effet, la particularité du centre social c’est que l’accueil se fait de la petite enfance aux séniors. Il n’y a pas de rupture de parcours, ce qui offre une vraie richesse dans l’accompagnement. Et Carole d’ajouter « On touche aux familles qui n’ont pas de place ailleurs. Le centre social est l’un des leviers pour lutter contre les inégalités. » En ça, les centres sociaux ont une place de choix quant à l’accueil de la petite enfance mais également dans la lutte contre les inégalités.
On touche aux familles qui n’ont pas de place ailleurs. Le centre social est l’un des leviers pour lutter contre les inégalités.
Table ronde : « Agir contre les inégalités sociales et éducatives : enjeu partagé »
Une fois la pause déjeuner passée, tous et toutes se réunissent pour une table ronde intitulée « Agir contre les inégalités sociales et éducatives, enjeu partagé ». L’occasion de croiser les regards d’habitant·es, d’acteur·ices de centres sociaux mais aussi de la Branche Famille sur l’approche des centres sociaux et de leur projet éducatif global. Le fil rouge de la première partie de ce temps fort porte sur les manières d’agir contre les inégalités sociales et éducatives, sur le plan local et national. Après le témoignage de Magda Jouini, du collectif d’habitantes à Stains, autour d’une mobilisation contre les inégalités scolaires, Cindy Gagnier, animatrice du réseau parentalité de la Fédération 49-53 rappelle la place singulière des centres sociaux « Notre force c’est que nous faisons du sur mesure. Nous sommes aux côtés des parents et d’une certaine manière, on est des co-éducateurs ». Toutes et tous s’accordent pour dire que ce travail se déploie sur un temps long. Halima El Akraoui-Dobrzynski, conseillère en politiques familiales et sociales de la Cnaf, abonde dans ce sens : « Les centres sociaux sont une force vive et ils accompagnent les familles à chaque étape de leur vie. » Et Jean-Philippe Vanzeveren, directeur du Centre Social et Culturel de l’Arbrisseau à Lille, de conclure « Pour certain·es, le centre social est une deuxième maison, ce qui dit famille », tout en soulevant l’épineuse question du financement de l’animation familles dans les centres sociaux, au-delà de la seule dimension de coordination.
Projet d’alliance éducative, aller-vers et expérimentation, de l’indignation à la mise en place du collectif et la thématique de la parentalité solo : demandez le programme !
Pour continuer les échanges en petit comité et favoriser le dialogue, la deuxième partie de l’après-midi se déroule également en ateliers. Au programme un retour sur l’expérience « Ecole Famille Quartier, ENSEMBLE pour la réussite de TOUS les enfants. », un projet d’alliance éducative autour du croisement des savoirs et des pratiques. Se déroulant sur quatre jours, cet événement avait pour but d’échanger et bâtir des projets– à égalité – entre parents, enseignant·es, et acteur·ices de quartier pour la réussite de tous les enfants. Un deuxième atelier porte sur l’aller-vers et l’expérimentation de l’itinérance, avec pour point de départ l’association Calade en vadrouille du Centre socio-culturel en pays de Sommières. Un troisième temps prend appui sur l’expérience et la genèse du film « Femmes politiques », qui a permis de mettre en exergue le développement du pouvoir d’agir d’un groupe d’habitantes face à une indignation A ce sujet-là, Magda Jouini déclare « le collectif voulait rendre visible dans l’espace public cette injustice scolaire ». Enfin, un dernier temps est consacré aux parents solos et notamment les groupes de parole, qui, comme le déclare Cindy Gagnier : « Le but de ces groupes est de repartir boosté et de se dire que l’on est pas seul. Les parents le disent, c’est fort de pouvoir donner à d’autres parents une fois qu’on a pu bénéficier du groupe de parole ».
« Centres sociaux et familles : l’urgence d’un projet éducatif global »
En clôture de cette dense – mais passionnante ! – journée, est proposé aux participant·es de prendre un peu de hauteur et de réfléchir au rôle éducatif global des centres sociaux. La Fédération des centres sociaux de Paris présente l’enquête exploratoire qu’elle a réalisée et la rédaction d’un guide d’élaboration d’un Projet éducatif global, intégré au Projet social et au Projet familles. L’une des idées essentielles qui est ressortie de cette enquête est que les centres sociaux sont des acteurs profondément uniques, en ce qu’ils s’adressent aussi bien à toutes les familles, à tous les membres des familles mais aussi à toutes les compositions qui font famille, et ce tout au long de la vie. Une belle manière de conclure, de réaffirmer la place toute particulière et le rôle que les centres sociaux ont à jouer dans une approche globale de la famille. A nous désormais de continuer à nous en saisir et d’affirmer notre place – ô combien légitime ! – comme acteur d’éducation global et comme puissant levier à réduire les inégalités, quelles qu’elles soient. Cela tombe bien, c’est l’une des priorités du projet de réseau qui s’ouvre pour les centres sociaux !