Floréal Sotto, spécialiste de la lutte contre les discriminations, le harcèlement et les violences sexistes, anime des conférences, propose des formations et accompagne les structures engagées sur ces enjeux.
1. Qu'est-ce qu'une discrimination ?
L’étymologie du mot « discrimination » renvoie à l’idée deséparer. Discriminer, c’est distinguer les individus selon des critères comme les origines supposées, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, le sexe, la religion, etc. On peut considérer la discrimination comme un « outil » qui concrétise les rapports de domination au sein de la société. Juridiquement, elle désigne les inégalités dans l’accès à l’emploi, au logement, à l’éducation, etc. Elle peut également se manifester sous des formes plus insidieuses, telles que la stigmatisation, les micro-agressions quotidiennes – rappelant les normes sociales – ou encore les violences physiques. Les discriminations peuvent aussi être institutionnalisées à travers des inégalités engendrées par les lois ou les politiques publiques, comme l’impossibilité pour les parents de choisir librement la répartition de la durée des congés maternité et paternité.
2. Quels sont les plus grands défis dans la lutte contre les discriminations ?
Le premier défi est de permettre aux personnes discriminées de s’exprimer pleinement, en veillant à ce que leur voix ne soit plus étouffée par celles des personnes privilégiées. Reconnaître ces expériences est essentiel pour avancer vers l’égalité. Le deuxième défi consiste à faire comprendre que les discriminations ne doivent pas être réduites à leur définition juridique, pour ne pas invalider le vécu des personnes, car elles ont des conséquences tout aussi délétères. Enfin, le troisième défi est de mettre en lumière les privilèges et d’inciter à leur remise en question. Mais le privilège est souvent invisible pour celles et ceux qui en bénéficient. Pour construire une société plus égalitaire, il ne suffit pas d’accorder davantage de droits aux personnes discriminées ; il est nécessaire que les privilégiés acceptent d’y renoncer, ce qui entraîne inévitablement des résistances. La lutte contre les discriminations se joue à deux niveaux : au quotidien, à l’échelle individuelle, et dans la transformation des structures sociales et politiques.
Les centres sociaux offrent d'autres perspectives en créant du lien social.
3. Quel est le rôle des centres sociaux dans cette lutte ?
Les centres sociaux ont notamment pour mission de compenser les inégalités systémiques. Dans certains territoires, fragmentés socialement, le manque d’infrastructures (santé, éducation…) limite les perspectives des habitantes et habitants car ils souffrent d’un manque d’investissement public. Ces déséquilibres créent une fracture dans les opportunités. Les centres sociaux offrent d’autres possibles en créant du lien social et en proposant des activités, notamment dans des contextes où l’accès aux loisirs et à la culture sont limités. Ils jouent aussi un rôle de terrain en recueillant les besoins des
habitant·es et en servant de relais avec les décideurs. Plutôt que d’imposer des politiques déconnectées du vécu, ils valorisent le « savoir chaud », souvent plus puissant que le « savoir froid » théorique. Enfin, les professionnel·les et les bénévoles doivent se former à ces enjeux. Plus on comprend les mécanismes discriminatoires, mieux on sait les repérer et agir efficacement.
Cet article est extrait du dernier numéro de C’est Possible ! portant sur la thématique de la lutte contre les discriminations.