« La notion de centre social apparaît comme extrêmement féconde et elle vient à son heure parce qu’elle empêche les grands Services centralisés de créer des affaires un peu trop impersonnelles et lointaines, et d’un autre côté elle permet aux forces locales qui sont de plus en plus vives et qui prennent conscience d’elles-mêmes, de devenir véritablement des forces agissantes et des forces de transformation du milieu. Il semble que ce soit vraiment de bonne économie humaine, de bonne utilisation sociale. » (Jeanne Thro)
Après la Seconde Guerre mondiale, se mettent en place de grands organismes de solidarité nationale, tel que la Sécurité sociale, dont les Caisses d’Allocations familiales (CAF) représentent la branche famille. De nouveaux droits sociaux sont ouverts à tous et de « grands Services centralisés » s’organisent pour les gérer administrativement. De nombreux travailleurs sociaux s’en inquiètent : des relations « impersonnelles et lointaines » tendent à se substituer aux contacts directs et personnalisés qu’ils privilégient habituellement.
Jeanne Thro le dit à son tour devant les Responsables sociaux des CAF (Directeurs de l’Action sociale et Assistantes sociales), lors des journées d’études des 22 et 23 juin 1948, les premières qu’organise l’Union nationale des Caisses d’allocations familiales (UNCAF). Mais, elle souligne aussi que, désormais, les ouvriers, les familles populaires entendent échapper aux tutelles sociales traditionnelles et veulent résoudre par elles-mêmes leurs difficultés. C’est le sens, par exemple, de l’investissement des syndicats de salariés et des associations familiales dans la gestion des nouveaux organismes sociaux et familiaux.
Jeanne Thro l’affirme : la forme de présence locale et d’action participative que constitue le centre social, depuis longtemps pratiquée, s’avère particulièrement pertinente dans ces temps nouveaux. Il convient de les multiplier et les CAF peuvent y contribuer. Le centre social, en effet, valorise les contacts directs entre les personnes et, surtout, il « permet aux forces locales qui sont de plus en plus vives et qui prennent conscience d’elles-mêmes, de devenir des forces agissantes et des forces de transformation du milieu ».
Auprès de cette assistance de nouveaux acteurs sociaux, ces paroles ont du poids et du crédit et ne seront pas sans lendemain. En effet, Jeanne Thro est alors vice-présidente de la récente Association nationale des assistantes sociales (ANAS). Elle est aussi l’ancienne directrice du Service social rural de l’Indre qui, depuis plus de dix ans, a multiplié, avec la participation directe de la population, la création de « maisons sociales » dans les bourgs et villages, maisons qui toutes sont devenues adhérentes à la Fédération des centres sociaux de France (FCSF).
Par Jacques Eloy
Pour en savoir plus :
> L’exposé que Jeanne Thro prononce lors des journées d’études des Responsables sociaux des CAF a été publié dans Informations sociales, n° 15, août 1948, p. 940-947 (revue de l’Uncaf). Le CEDIAS-Musée social, 5, rue Las Cases, 75007 conserve une collection quasi complète de cette revue encore publiée de nos jours.
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