Dans la Drôme, une recherche-action participative (RAP) autour de la résilience alimentaire, avec au cœur de cette dernière, la réalité et le vécu des habitant·es

L’alimentation se trouve au croisement de nombreuses problématiques : la question économique, l’agriculture, la dimension culturelle, etc. À la suite de la crise du Covid, la Coopération des centres sociaux de Romans-sur-Isère a décidé de s’emparer de ce sujet, notamment à travers la recherche-action participative menée au sein d’ICAR, « Initiative Citoyenne pour une Alimentation Résiliente ». Rencontre avec Marie Dubois, animatrice en développement social local ainsi que Colette Gros, habitante ayant pris part à cette dernière.

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à mener cette recherche-action ?

Marie : Dans la Maison de Quartier Saint Nicolas, la question de l’alimentation fait partie de nos préoccupations depuis longtemps et est même inscrite dans le projet social de la Coopération des centres sociaux de Romans-sur-Isère. De plus, une des salariées est dans le groupe de travail national Transformation écologique, solidaire et citoyenne (TESC) : autant de choses qui nous nourrissent au quotidien ! La crise sanitaire a été un vrai électro-choc pour nous, on s’est rendu compte de l’étendue de cette problématique et c’est ainsi que l’on a eu envie de s’en emparer. À ce moment-là, nous avons eu une subvention de la ville pour proposer des paniers solidaires, ce qui a été le point de départ : nous avons ensuite créé les « paniers du quartier », un groupement d’achat solidaire proposant des produits issus d’une agriculture majoritairement bio, avec trois tarifs et qui rémunère les agriculteur·ices de manière équitable et juste. De plus, ce projet est géré uniquement par des bénévoles, ce qui en fait un vrai projet citoyen ! Par la suite, trois animateur·ices sont allés voir d’autres structures pour créer une synergie et initier ICAR qui travaillent sur ces questions pour réfléchir aux problématiques et réaliser un diagnostic avec un collectif d’habitant·es, l’idée principale étant de se baser sur les récits de vie de ces dernier·es, tout en étant accompagné de chercheur·euses pour l’aspect méthodologique. De plus, nous avons mis en place un copil avec des habitant·es, les partenaires financiers, notamment la Caf et les partenaires locaux qui sont des acteurs de l’ESS.

En tant qu’habitante, quelles sont les raisons qui vous ont motivé à prendre part à cette recherche-action ?

Colette : Pour moi, l’alimentation est très importante car cela touche à la santé. Je suis également intéressée par le projet de sécurité sociale alimentaire et suis notamment allée à Montpellier et Paris pour en apprendre plus sur ce sujet. De plus, ce qui m’a vraiment motivé dans la recherche-action, c’est le fait qu’avant de débuter, il y a eu beaucoup de temps d’interconnaissance, ce qui a permis de créer des liens entre les gens. Grâce à ce projet, on a mis en lumière l’importance de l’aide alimentaire et surtout de ses lacunes.

Pourquoi cette thématique est-elle particulièrement importante sur votre territoire ?

Marie : Nous sommes sur un territoire politique de la ville et beaucoup d’habitant·es vivent des situations de précarités. Ce que l’on remarque, c’est que souvent les budgets serrés induisent une réduction du budget sur l’alimentation, ce qui peut amener soit à réduire la qualité de l’alimentation, voire même à sauter des repas. Dans la Drôme, cela est d’autant plus flagrant et problématique car étant sur un territoire rural, nous sommes très proches des lieux de culture et de production.  

Grâce à ce projet, on a mis en lumière l’importance de l’aide alimentaire et surtout de ses lacunes.

Quels ont été les temps forts de cette recherche-action ?

Tout au long de l’année, il y a eu des ateliers, notamment avec la ferme collective La clé des sables, la Conserverie Mobile et Solidaire ainsi que l’association Graine de Cocagne, qui organise des marchés et propose des paniers. Ces ateliers avaient tous une thématique différente : des sorties à la ferme pour découvrir les métiers, de la récolte, la lecture des étiquettes alimentaires, des ateliers de conservations, d’équilibre alimentaire et nutrition, etc, mêlant ainsi théoriques et pratiques. Pour pouvoir toucher un large public et des habitant·es qui ne viennent pas forcément aux ateliers, nous avons organisé des repas collectifs, car ce sont de réels moments privilégiés en termes de lien social !

Fin juin 24, une convention populaire de trois jours a eu lieu, avec au programme des ateliers, une soirée à la ferme ainsi que des tables rondes. Dans ce cadre-là s’est déroulé l’Université Ephémère sur trois demi-journées : l’occasion pour le collectif d’habitant·es qui s’est impliqué de finaliser une grande partie du travail mené dans le cadre de la RAP. Tout au long de cette recherche-action, nous avons veillé à respecter trois expertises : celle des habitant·es, celle des chercheur·es ainsi que celle des animateur·ices, à savoir les salarié·es des centres sociaux et des partenaires.

Quels sont les freins et les leviers concernant l’accès à une alimentation saine que vous avez pu identifier ?

Colette : L’un des freins que nous avons identifié – en plus du frein financier qui est central – est culturel. Par exemple, certaines personnes sont venues une fois récupérer un panier mais n’ont pas retrouvé les aliments qu’elles ont pour habitude de manger. Face à des produits moins transformés, elles ont été surprises. Il y a donc un travail à faire autour des habitudes alimentaires. La question de l’alimentation est également traversée par les horaires, les lieux d’achat mais également le fait de manger en collectif ou seul. Le second point est aussi d’arriver à montrer que ce n’est pas forcément plus coûteux d’acheter directement chez le producteur et que ce n’est pas un privilège de classe que de bien manger.  

Que retirez-vous de cette recherche-action ?

Colette : Ce qui m’a le plus marqué, ce sont les témoignages d’habitant·es autour de l’aide alimentaire : ils et elles se font parfois humilier et ont accès à des produits périmés, c’est très choquant. J’ai également beaucoup apprécié tout le travail intellectuel mené sur la sécurité alimentaire car cela est une vraie question politique. Même si on a d’abord un rapport personnel à la nourriture, il y a également un très fort aspect collectif. L’alimentation nous amène vers le convivial et cela traduit la manière avec laquelle on a envie de prendre part à la société, quel projet de société on a envie de déployer. L’alimentation est un bien commun, et en ça, c’est un sujet éminemment politique. De plus, le point de vue des citoyen·nes n’est presque jamais représenté : cette recherche-action était donc un bon moyen de palier à cela.

Marie : Je trouve que c’est un projet très courageux, qui a pour volonté de redonner du pouvoir aux citoyen·nes. Or, lorsqu’il est question d’alimentation, on est souvent juste considéré·es comme des consommateur·ices et non pas acteur·ices, alors même que beaucoup de citoyen·nes ont montré l’envie de se saisir de ces questions. Et de travailler tout cela en collectif ça donne beaucoup de force.  

Même si on a d’abord un rapport personnel à la nourriture, il y a également un très fort aspect collectif. L’alimentation nous amène vers le convivial et d’une certaine manière, cela traduit la manière avec laquelle on a envie de prendre part à la société, quel projet de société on a envie de déployer. L’alimentation est un bien commun, et en ça, c’est un sujet éminemment politique.

Quelles sont les suites envisagées pour cette recherche-action ?

Marie : Grâce à cette recherche-action, nous avons appris à travailler avec une méthodologie, on aimerait donc s’emparer de cette dernière pour aborder d’autres thématiques mais également pour continuer à approfondir la question de l’alimentation. De plus, on souhaite plus creuser la question de l’aide alimentaire, en étant plus proche des bénéficiaires mais également en réussissant à faire bouger les choses de l’intérieur. Enfin, c’est important pour nous de continuer à porter la parole des habitant·es, et ce notamment via Carav’alim. Cette recherche-action a montré que les habitant·es avaient envie de s’impliquer et que cette méthodologie fonctionnait, et donc que c’est possible de faire bouger les choses !

Lorsqu’il est question d’alimentation, on est souvent juste considéré·es comme des consommateur·ices et non pas acteur·ices, alors même que beaucoup de citoyen·nes ont montré l’envie de se saisir de ces questions.

L'alimentation au sein du projet de réseau 24-32

Avec cette priorité "Reprendre le pouvoir sur notre alimentation", qui constitue un nouvel objet de travail à l’échelle nationale, nous souhaitons ainsi agir sur l’accès de toutes et tous à une alimentation saine, solidaire et durable sur les territoires, en prenant appui sur les actions diverses portées par les centres sociaux autour de l’alimentation et en leur donnant plus d’ampleur.

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