Les Tables de quartier sont des espaces citoyens qui réunissent associations et/ou habitant.es mobilisé.es à l’échelle du quartier. Leur but est de mener des actions collectives permettant l’amélioration des conditions de vie dans le quartier, à partir d’enjeux, préoccupations et envies d’agir soulevés par les habitant.es. Il peut s’agir de solutions construites par les habitant.es eux.elles-mêmes ou de démarches d’interpellation.

Un bref historique des tables de quartier

Dans le cadre de la réforme de la politique de la ville en 2013, le ministre de la Ville, François Lamy, a mandaté Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache afin qu’ils élaborent des propositions pour améliorer la participation des citoyens des territoires prioritaires.

Leur travail a abouti en juillet 2013 avec la remise d’un rapport intitulé : « Pour une réforme radicale de la politique de la ville. Ça ne se fera plus sans nous ! » contenant 5 orientations majeures et 1+30 propositions regroupées autour de 4 entrées. Le deuxième groupe de propositions : Soutenir la création d’espaces citoyens et les reconnaître consistait notamment à favoriser la création au niveau local de lieux d’échanges, de débats, de coordination inter-associative et à proposer la mise sur pied de tables locales de concertation ou Tables de quartier.

Dès 2014, et avant même le vote de la Loi “Lamy” de la politique de la ville, la Fédération des centres sociaux de France (FCSF) et la coordination “Pas Sans Nous” ont proposé au ministre de conduire une expérimentation sur plusieurs sites (12, répartis sur tout le territoire), afin de vérifier comment cette démarche existant depuis les années 1960 au Québec pouvait se mettre en œuvre en France. 

Conjointement, la FCSF et les “Pas Sans Nous” ont décidé que chacun des réseaux amènerait la moitié du contingent des 12 sites. Les sites de l’expérimentation ont été repérés par la FCSF dans le réseau des centres sociaux par un appel à volontaires d’un côté, et de l’autre parmi les associations ayant été rencontrées lors de la phase d’élaboration du rapport Bacqué-Mechmache. 
Depuis, de nouvelles Tables de quartier se sont lancées. Pour cela, elles entrent en contact avec le collectif de pilotage de la dynamique nationale, participent aux échanges et s’inscrivent pleinement dans cette dynamique de participation citoyenne autonome des pouvoirs publics locaux. 

Après plus de trois années d’expérimentation, une démarche d’évaluation des Tables a été produite par elles-mêmes en 2019. 

A partir de 2019-2020, le portage financier est assuré par la coordination “Pas Sans Nous”. A ses côtés, la FCSF occupe un rôle de “copilote” de la dynamique nationale. Entre 2019 et aujourd’hui, ce pilotage a permis la consolidation et l’animation d’un réseau national de tables de quartier de plus en plus conséquent.

Les Tables de Quartier, comment ça marche

Pour être un espace citoyen de débats et d’actions, la Table développe une démarche de mobilisation qui part du vécu, des ressources, des colères et des envies d’agir des habitants du quartier. Son objectif premier est de mettre en lumière les intérêts communs des personnes mobilisées, pour construire, avec elles, des projets collectifs à même de répondre aux enjeux.

Ce mouvement ascendant met la parole des habitants et leur expertise au cœur même de la démarche. Ils en sont les premiers décideurs et les premiers acteurs. Une Table de quartier articule ainsi plusieurs dimensions d’accompagnement de la mobilisation collective : 

  • elle dresse un état des lieux des enjeux actuels et prioritaires du quartier (« portrait de quartier ») par la mobilisation des habitants et acteurs du quartier;
  • Elle accompagne ces derniers à l’élaboration de projets et de propositions concrètes ; 
  • Elle participe à la négociation avec les pouvoirs publics et institutions de son territoire pour faire avancer ses projets.

 

La Table de quartier se positionne ainsi dans une logique constructive et réactive; en « mode propositions », ce qui contribue à constituer sa légitimité. La composition, le fonctionnement, les méthodes de mobilisation et d’animation utilisés sont donc fondamentaux pour que la démarche soit réellement ascendante.

Les Tables de quartier attachent une grande importance à mobiliser largement, afin de pouvoir faire entendre les voix des habitants dans leur diversité. C’est dans ce sens qu’elles font appel à divers outils de mobilisation : si des méthodes classiques sont employées, comme le porte-à-porte, ou encore la diffusion de tracts et l’affichage dans l’espace public d’informations sur les diverses réunions, les animateurs et animatrices des Tables de quartier ont saisi l’importance de rendre ludiques et conviviaux les moments de discussions et d’échanges.

En faisant appel à des méthodes issues de l’éducation populaire comme les porteurs de parole, en s’associant, voire en relançant, des espaces de convivialité dans le quartier, telles que des fêtes de voisins, des fêtes de quartier, elles touchent plus de monde ; aujourd’hui, si chaque Table mobilise des dizaines de personnes à chaque réunion, ce sont plusieurs centaines de personnes qu’elles parviennent à toucher à travers ces moments de mobilisation – autant d’avis, d’enjeux soulevés, et de nouvelles énergies pour mener à bien des projets d’action collective dans le quartier.

Chaque Table de quartier décide de ses propres priorités.

Après avoir travaillé, lors des premiers temps d’existence de la Table, à construire ces priorités, elles se structurent autour de thématiques qu’elles jugent prioritaires, ici le renouvellement urbain, là la propreté de l’espace public, ou ailleurs l’éducation. De ces thématiques émergent des actions collectives.

À Roubaix, une Table a permis de valoriser la parole des habitants dans le projet de rénovation urbaine, allant jusqu’à permettre d’y inclure un projet de relogement des habitants touchés par ce projet, non prévu à l’origine ; à Marseille, une autre a organisé des journées de ramassage de déchets tandis qu’elle multiplie les contacts avec les services techniques de la mairie pour résoudre cet enjeu de la propreté ; tandis qu’à Nîmes, c’est la création de jardins partagés en pied d’immeuble qui est aujourd’hui la priorité fixée par les habitants mobilisés. Ces exemples, parmi tant d’autres, sont autant de témoins des enjeux de mobilisation dans les quartiers populaires que parviennent à soulever, et à travailler collectivement, les personnes mobilisées sur les Tables de quartie

une dynamique citoyenne à côté des dispositifs participatifs

Les tables de quartier ne sont pas à proprement parler des dispositifs de participation : autonomes des pouvoirs publics, elles n’existent que par la mobilisation qu’elles parviennent à susciter. Ce sont les habitants, et non les structures porteuses, qui décident des sujets à traiter, des objectifs à poursuivre; ce sont eux qui mènent les actions. 

Ce sont des espaces à côté des offres institutionnelles de participation, comme les conseils citoyens. Elles peuvent nourrir ces derniers de leurs réflexions, des enjeux qu’elles dégagent, de leur travail de mobilisation de la population ; elles ont également leur existence propre : elles privilégient la prise de parole et de pouvoir des habitants des quartiers populaires, et de développement de nouvelles formes de citoyenneté et de solidarité. Une Table de quartier est donc un espace autonome pour l’action citoyenne, et non une instance de concertation dont l’initiative serait prise par les pouvoirs publics. Elle ne remplace pas les concertations menées par les pouvoirs publics. Elle fixe elle-même ses priorités.

Les Tables de Quartier au local

Les Tables de Quartier existent aujourd’hui dans une vingtaine de villes en France (source : rapport d’évaluation, Pas Sans Nous, 2024). Elles peuvent être mises en place par des centres sociaux, des maisons de quartiers, d’autres associations ou des collectifs d’habitant.es non formalisés. Elles sont composées en grande majorité par des habitant.es qui se mobilisent en leur nom propre. Certains collectifs ou associations du quartier peuvent également y être représentés : l’objectif est de toucher le plus de monde possible!

Elles agissent sur un ensemble de sujets : le cadre de vie, le logement, la jeunesse, la santé, la sécurité, les rapports hommes/femmes.

Le pilotage national de la dynamique “Tables de Quartier”

Nationalement, les Tables de Quartier sont portées par la coordination associative “Pas Sans Nous”, qui milite pour une meilleure prise en compte des habitant.es de quartiers populaires, la FCSF, et par un réseau de personnalités issues des tables de quartier locales : il s’agit donc d’un “tri-pilotage” national. Les “Pas Sans Nous” reçoivent un financement de la Politique de la Ville, via l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT) pour organiser des rencontres, des formations et pour essaimer ces dynamiques citoyennes.

Les sujets principaux des Tables de Quartier en 2023. Source : rapport d’évaluation, Pas Sans Nous, 2024
Les sujets principaux des Tables de Quartier en 2023. Source : rapport d’évaluation, Pas Sans Nous, 2024

Ambitions et principes : le texte rédigé par les tables de quartier

En 2018, dans le cadre de l’évaluation de l’expérimentation nationale des tables de quartier, des personnes issues de ces dynamiques locales ont rédigé, ensemble, un texte, qui est le fruit d’un travail de rédaction collective à quarante mains. Il a été longuement discuté entre de septembre 2017 à avril 2018,  modifié, amendé, nourri des expériences et rencontres du réseau pour donner corps à cet écrit : Ambitions et principes.

Les Tables de quartier sont des espaces de rencontre et d’action où nous, habitant.es, collectifs, associations, des quartiers populaires, qu’ils soient urbains ou ruraux, nous réunissons pour réfléchir, débattre et agir ensemble pour améliorer nos conditions de vie. Nous y prenons des initiatives collectives à partir de nos volontés. Nous contribuons à construire une société plus juste en libérant les capacités de création, d’action et de mobilisation, dans une perspective d’émancipation individuelle et collective, et de transformation sociale. Les Tables de quartier s’inscrivent dans l’histoire des mobilisations collectives au sein des quartiers populaires. En relevant le défi de la démocratie participative, elles nous permettent d’élaborer et proposer des solutions adaptées, d’interpeller les pouvoirs publics, par des moyens complémentaires au vote, et contribuent à inventer d’autres chemins en matière d’action politique. Les Tables ont pour ambition de rendre effectif le « pouvoir d’agir » et la « co-construction » des politiques publiques. C’est en les développant que nous, habitant.e.s et usager.ère.s des quartiers populaires, acteurs et actrices incontournables de ces territoires, nous pourrons agir pour l’amélioration de notre vie quotidienne et peser sur les décisions publiques trop souvent prises sans nous.

PRINCIPES D’ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT

Les principes qui suivent et auxquels nous référons notre action, ne sont pas des principes intangibles. Issus de nos expériences collectives pendant les 3 ans de l’expérimentation, ils sont plus une boussole qui indique un cap vers lequel nous diriger, qu’un rail à suivre. 

« Table de quartier » n’est pas une expression réservée ou un label. Tout collectif qui agit selon les ambitions et les principes exposés dans ce document peut solliciter le réseau des Tables de quartier pour être appuyé dans son développement et sa communication, être mis en relation avec des Tables existantes et intégrer le réseau des Tables.

  • Une démarche collective

La Table de quartier est une démarche collective d’habitant.e.s qui s’organisent pour prendre en main l’avenir de leur quartier.

  • Une large ouverture

Les Tables de quartier vont vers les gens en multipliant les occasions de contact. Elles cherchent à rassembler des habitant.e.s, des collectifs, des associations, des acteurs et actrices du quartier dans un souci de diversité et de mobilisation la plus large possible.  Elles sont ouvertes au plus grand nombre sans critère d’accès et sans contrainte d’adhésion ou d’engagement, dans le respect mutuel. Ce faisant, elles tendent à refléter au mieux la diversité des réalités vécues dans les quartiers populaires et sont légitimes pour porter la parole d’habitants. Elles sont accueillantes et conviviales et offrent un climat d’écoute et de confiance. Des professionnel.les allié.e.s et solidaires peuvent y participer sans que leur expertise prévale sur celle des habitant.es.

  • Des pratiques démocratiques

Les Tables de quartier organisent des assemblées régulières entre tou.te.s les participant.es, à travers des invitations larges et inclusives, afin de mobiliser de nouvelles personnes, de proposer un espace d’expression libre et bienveillant, de faire le point sur l’avancement de leurs activités, de se concerter pour avancer sur les actions en cours et en décider de nouvelles, selon les priorités établies collectivement en assemblée.

Tous les participant.es sont positionné.e.s à égalité. Un effort particulier est fait pour permettre à chacun.e de participer de manière équitable sans hiérarchie entre les différentes prises de parole. La contribution de toutes et de tous est précieuse, les rôles et responsabilités sont partagés. Les associations ou collectifs qui participent à la Table de quartier n’ont pas de place particulière du fait de leur statut. Les décisions sont prises démocratiquement par toutes méthodes respectueuses de la position de chacun.e.

  • Une autonomie de fonctionnement

Dans un souci d’indépendance, les Tables de quartier se positionnent comme des instances souveraines et autonomes vis-à-vis des pouvoirs publics. Cela signifie que ceux-ci ne peuvent pas être à l’initiative de la création d’une Table, n’ont pas de pouvoir sur son fonctionnement et n’influencent pas ses décisions.

Cependant, la Table peut décider de les inviter. Leur soutien et leur écoute sont recherchés dans la mesure où ils sont nécessaires à  l’aboutissement des revendications et des actions portées par la Table de quartier, y compris quand elle dérange par des positions critiques ou se voit contrainte d’entrer en conflit pour se faire entendre.

DOMAINES D’INTERVENTION

Les Tables de quartier se font l’écho de la parole des habitant.e.s et traitent des problèmes, colères et envies d’agir des personnes mobilisées. Elles peuvent développer des actions, débattues, décidées et mises en place collectivement pour améliorer la vie du quartier. Les formes

d’action sont choisies par les participant.e.s. Des démarches de communication sont mises en œuvre afin de faire connaître les analyses, les réflexions, les débats et les actions menés par la Table ainsi que ses victoires.

RÉSEAU NATIONAL DES TABLES DE QUARTIER

Le Réseau national des Tables de quartier a pour ambition :

  • le développement des Tables de quartier et le soutien aux Tables qui se créent,
  • la promotion des actions menées par les Tables de quartier,
  • l’organisation de temps d’échanges entre les participant.es aux différentes Tables de quartier,
  • la veille et l’innovation pour le développement du pouvoir d’agir des habitant.es et la co-construction des politiques publiques, dans une démarche d’éducation populaire

pour suivre la dynamique des tables de quartier

Contacts

Au sein de Pas Sans Nous, Audrey Gondallier : tablesdequartier.psn@gmail.com 

Au sein de la FCSF, Jérémy Louis : jeremy.louis@centres-sociaux.fr

Suivre en ligne : 

Ressources sur le site web de la coordination Pas Sans Nous : https://passansnous.org/ressources/ 

Page facebook “Réseau national des tables de quartier” : https://www.facebook.com/expetablesdequartier